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Faut-il faire payer les outils de médiation dans les musées ? La question peut sembler secondaire et pourtant, elle touche à un enjeu central : l’accès à l’offre culturelle et la gratuité des contenus numériques, deux sujets qui font toujours débat.

À l’étranger, les institutions culturelles sont en quête de rentabilité pour compenser le manque de financements publics. En France, en revanche, la gratuité culturelle reste un sujet hautement sensible. Il suffit de voir les réactions suscitées par la hausse du prix du billet d’entrée au Louvre : l’information fait les gros titres, suscite débats et indignation, jusqu’au journal télévisé de 20h.

C’est encore plus vrai quand il s’agit de numérique. Pour beaucoup, une application se doit d’être gratuite, un réflexe profondément ancré, nourri par les usages mobiles. Et pourtant… Proposer une application de visite, c’est un investissement non négligeable pour les musées et monuments, qui choisissent de s’équiper pour offrir une expérience de visite enrichie, interactive et accessible à tous.

Face à ces attentes croissantes des publics, faut-il envisager une offre payante pour valoriser ce service additionnel de qualité ? La question mérite d’être posée.

On pèse avec vous le pour et le contre.  

Une application de visite : gratuite ou payante ?

Une application de visite gratuite favorise l’accessibilité culturelle pour tous les publics. En supprimant les possibles barrières économiques et en s’inscrivant dans une démarche d’inclusion et de démocratisation culturelle, le musée remplit pleinement sa mission de service public.

Rendre son application payante assure la pérennité du projet et permet de valoriser le travail réalisé par les équipes. Dans un contexte de ressources publiques limitées, un outil de médiation payant peut constituer une source de revenus complémentaires non négligeable.

Le choix de proposer une application gratuite ou payante n’est pas neutre. Il engage une stratégie culturelle, sociale et économique : doit-on privilégier l’accessibilité au plus grand nombre en offrant gratuitement ces outils, ou adopter un modèle économique qui valorise leur coût de production et leur qualité ?

Vous envisagez un modèle payant ? Découvrez comment faire dans la suite de notre article.

Commercialiser une application de visite, ça consiste en quoi concrètement ?

La commercialisation d’une application de médiation consiste à mettre en place des actions pour promouvoir, distribuer et rentabiliser cette application auprès des publics d’un lieu de visite (musées, monuments, centres d'interprétation, etc.). Il ne s’agit donc pas seulement de la concevoir ou de la rendre disponible, mais de la positionner comme un produit ou un service à forte valeur ajoutée, qui répond à un besoin spécifique : enrichir l’expérience des visiteurs grâce à des contenus numériques interactifs.

Il existe plusieurs moyens de commercialiser une application de visite :

1️⃣ Vous la rendez payante sur les Stores. Cela implique que, dès lors qu’un visiteur souhaite télécharger et utiliser votre application, il devra l’acheter.

2️⃣ Vous incluez des achats intégrés. Votre application est gratuite au téléchargement, mais le visiteur devra payer un supplément pour débloquer une partie de ses contenus : la visite de l’exposition temporaire par exemple !

3️⃣ Vous proposez aux visiteurs de payer un supplément lors de leur réservation en ligne pour utiliser votre application de visite.

4️⃣ Vous installez des points de vente in situ permettant aux visiteurs de s’équiper à l’accueil du site.

C’est cette dernière option qu’a choisie l’Opéra Garnier pour commercialiser son compagnon de visite numérique, développé par smartapps et distribué sur place par Alto on site. Le dispositif repose sur un modèle de concession, à l’image de ce qui se fait pour les audioguides traditionnels !

Étude de cas : le projet mené par l’Opéra Garnier

Depuis 2020, l’Opéra Garnier propose à ses visiteurs un guide de visite numérique smartapps. Incluse dans le prix du billet, l’application invite à découvrir le lieu via des expériences enrichies, pensées pour tous les publics (réalité augmentée, parcours enfants, immersion 3D, multilinguisme, accessibilité LSF).

Nous nous sommes entretenus avec Charline Huet, co-fondatrice d’Alto on site, avec qui nous avons collaboré pour commercialiser l’application de l’Opéra Garnier directement sur place. On vous laisse lire l’interview complète 👇

Quelles ont été les étapes clés pour réussir le déploiement de l’application sur site ?

Il y a plusieurs étapes clés. Tout d’abord, le choix de l’appareil et de l’infrastructure réseau a été déterminant : nous avons sélectionné des équipements robustes, adaptés à un usage intensif en environnement muséal, et déployé une architecture réseau fiable pour permettre les mises à jour. Ensuite, nous avons porté une attention particulière à la visibilité de l’offre et à la gestion des flux, en travaillant sur une signalétique claire, des points de distribution bien positionnés et un parcours visiteur le plus fluide possible. Enfin, la tarification a été réfléchie et elle évolue avec le temps. Notre objectif est de proposer une offre lisible et valorisant l’expérience proposée.

Quels canaux et outils avez-vous utilisés pour promouvoir la visite guidée avec l’application (site internet, billetterie, signalétique, personnel sur place…) ?

Pour assurer une visibilité maximale de l’application auprès des visiteurs, il faut la promouvoir sur tous les supports. Tout d’abord, le site internet est un levier essentiel : la visite est proposée sur la e-billetterie avec des mises en avant claires et attractives. Ensuite, la billetterie physique de l’Opéra et les DAB (distributeurs automatiques de billets) relaient l’offre directement sur place. En dernier lieu, le visiteur a la possibilité de louer son guide de visite au comptoir de distribution Alto. Le discours des agents est très important tout comme  la signalétique qui joue un rôle clé : des supports visuels bien positionnés tout au long du parcours visiteur facilitent la compréhension de l’offre et encouragent l’usage de l’application.

Quel message ou argument clé a été le plus efficace pour inciter les visiteurs à utiliser l’application ?

Ce qui fait vraiment la différence, c’est de montrer aux visiteurs que l’application leur permettait de donner du sens à ce qu’ils voyaient et d’accéder virtuellement à des espaces fermés au public. Dans un bâtiment historique conçu pour le spectacle, sans supports de médiation traditionnels, l’application est la clé pour comprendre l’histoire du lieu, les secrets de Charles Garnier, les coulisses du spectacle.

Quelle solution avez-vous mise en place pour distribuer physiquement l’application aux visiteurs (borne de prêt, comptoir d’accueil…) ?

Nous avons mis en place un comptoir dédié, où sont proposés des iPad mini préchargés avec l’application.

Quel a été l’impact de l’app sur le chiffre d’affaires global de la billetterie ?

L’introduction de la première application de guide multimédia en décembre 2013 a eu un impact direct et positif. Elle a rapidement généré une recette additionnelle pour l’établissement, grâce au modèle de la concession. Autant on constate que le public, dans sa grande majorité, n’est pas prêt à payer pour une application seule, autant dépenser quelques euros de plus pour un service combinant appareil et contenu est très bien intégré par les visiteurs, qui y voient une véritable valeur ajoutée.

 

Se lancer dans la commercialisation d’une application de visite

Pour que votre application devienne un véritable levier d’enrichissement de l’expérience et de revenus complémentaires, encore faut-il bien penser sa commercialisation sur site. Voici 5 éléments essentiels pour réussir votre projet.

→ 1 - Définir le besoin de médiation

Avant de penser technologie ou logistique, il faut répondre à une question : Quel est le rôle de l’application dans la visite ? Est-ce pour donner accès à des contenus immersifs, compenser l’absence de cartels, guider les publics dans un parcours complexe ou tout simplement raconter une histoire ? Cette réflexion initiale guide tout le reste du projet.

→ 2 - Penser la distribution dès le début

Le succès de l’application dépend aussi de sa mise à disposition concrète. Comptoir, borne, prêt d’appareils, téléchargement anticipé… Quel dispositif choisir ? Ici, plusieurs enjeux doivent être répondus : éviter les files d’attente, garantir une prise en main fluide et assurer une distribution accessible à tout le monde (accueil multilingue, etc.).

→ 3 - Fixer le bon tarif

Le prix d’accès à l’application doit trouver le bon équilibre : assez bas pour ne pas freiner son téléchargement, et assez juste pour valoriser le service. Une étude comparative avec d’autres lieux ou services similaires est souvent utile. Le format packagé (appareil + contenu) reste particulièrement efficace : le visiteur perçoit une valeur claire, ce qui améliore le taux d’acceptation tarifaire.

→ 4 - Multiplier les points de contact

La visibilité de votre application est fondamentale pour qu’elle soit utilisée par le plus grand nombre. Cela passe par une présence sur tous les canaux : site web, billetterie en ligne ou sur place, distributeurs automatiques, agents d’accueil, signalétique, etc. Plus l’application est visible, plus elle devient une évidence dans le parcours visiteur. Le nom du produit joue aussi un rôle clé : des mots simples comme “audioguide numérique” ou “visite interactive” sont à privilégier car connus de tout le monde.

→ 5 - Former les équipes sur site

Dernier levier – et non des moindres : les équipes terrain. Ce sont souvent elles qui déclenchent l’achat d’une application au moment de la visite. Sans leur engagement, même la meilleure application peut passer inaperçue. Former les agents à expliquer l’intérêt de l’outil, à rassurer sur sa facilité d’usage, et à le proposer au bon moment, c’est ce qui transforme une application en véritable service de visite.

 

Vous l’aurez compris, la commercialisation d’une application de visite est un projet qui demande de la réflexion et un accompagnement par des experts. Un grand merci à Charline pour son temps et le partage de son expertise. Si cet article vous a convaincu de vous lancer dans la réalisation d’un guide de visite numérique, notre équipe sera ravie de vous accompagner !

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